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Architecture haut de gamme dans les Alpes : 2 écoles, une infinité de styles [Interview de Jean-Mouchet]

« Le tout bois, c’est too much ! » Jean-Marc Mouchet, architecte d’intérieur

Chaleureux, confortable et convivial, le style « chalet » fait partie intégrante de l’expérience montagne. Comment valoriser son aspect traditionnel, ou au contraire le réinventer pour lui donner un aspect plus contemporain ? Exploration en compagnie de Jean-Marc Mouchet, architecte d’intérieur basé en Savoie.

50 nuances de bois 

Qu’il s’agisse de style moderne ou traditionnel, le bois constitue le point de départ et le pilier de l’architecture et de la décoration de montagne.  « Il y a beaucoup d’ADN différents quand on parle de chalets », mais le bois en est le dénominateur commun. Jean-Marc Mouchet précise :  « Tout est toujours sublimé par le choix du bois. Que ce soit un bois neuf ou un vieux bois, l’essentiel, à la sortie, c’est l’ambiance, l’atmosphère. » 

Qu’est-ce que le style traditionnel en montagne ?

Passons en revue les éléments historiques, décoratifs et architecturaux constitutifs de cet esprit « chalet » qui séduit encore aujourd’hui. 

Le chalet : un héritage rural à valoriser

L’histoire de l’habitat traditionnel en montagne commence par le chalet. Bâti en bois (parfois en pierres), il abrite tout d’abord des activités rurales : on y fabrique du fromage l’été dans les alpages, on y habite à la belle saison pour s’occuper du bétail… puis on y séjourne pour les vacances. 

Megève offre de beaux exemples de ce patrimoine architectural traditionnel, comme l’explique Jean-Marc Mouchet : « Il y a encore des fermes sublimes et une volonté de refaire des chalets à l’identique, dans l’esprit mégevan ». Celui d’un village alpin préservé, à l’ambiance familiale.

Des lignes qui s’organisent autour du poteau poutre

L’une des caractéristiques architecturales principales des chalets traditionnels est celle du poteau poutre : cette technique consiste à former le squelette du chalet au moyen de poutres en bois (renforcées par du métal au sein des approches plus modernes). Ce squelette est traditionnellement habillé de madrier ou de bois, voire de béton ou de verre dans les démarches plus contemporaines. Comment cet esprit se prolonge-t-il à l’intérieur des chalets ?

Le tout bois, c’est too much !

« Le tout bois, c’est too much ! » résume Jean-Marc Mouchet.  Dès lors, comment les professionnels de l’architecture d’intérieur réinterprètent le style traditionnel sans le dénaturer ? Pour le moderniser, il est tout d’abord possible de jouer sur les teintes du bois, comme le conseille l’expert :  « Du bois neuf avec une teinte autrichienne et un sablage donnent par exemple un résultat plus contemporain. » 

Il s’agit également de faire cohabiter le bois avec des matériaux à la fois traditionnels, simples et nobles : « On utilise aussi de la pierre et du métal : des matières classiques qu’on a toujours trouvées dans les chalets ! »

Côté ameublement, la laine constitue l’étoffe montagnarde par excellence, surtout lorsqu’elle est tissée en France à partir de moutons des  Alpes. C’est par exemple le cas du drap de Bonneval, fabriqué selon la même méthode depuis deux siècles. Sa résistance n’a d’égale que sa  simplicité. 

L’univers chromatique des chalets traditionnels  se décline autour de teintes neutres, qui peuvent être froides ou chaudes : des marrons grisés, des blancs crème, ou encore des nuances de taupe… sans oublier le rouge, par petites touches.

L’idée de l’architecte d’intérieur : un matériau traditionnel et original 

Pour agrémenter la décoration d’un chalet tout bois à Megève, Jean-Marc Mouchet a eu l’idée originale d’incorporer du crin de cheval à la décoration intérieure. « Nous avons tendu des panneaux muraux et au plafond pour faire une sorte de boite en crin.» Un véritable é-crin ! 

Qu’est-ce que le modernisme alpin ?

À côte des chalets traditionnels, un patrimoine plus moderne a vu le jour en montagne. Tour d’horizon de ses caractéristiques et de son style. 

Un patrimoine issu des 30 glorieuses

Si l’on skie autour de Megève ou encore de Chamonix depuis le XIXe siècle, les sports d’hiver tels qu’on les connaît se développent plutôt à partir des années 60. Pour accueillir un large public, une nouvelle génération de stations de loisirs voit le jour au cours des décennies suivantes. 

L’architecture de montagne prend désormais en compte des contraintes urbanistiques, et chaque station y répond avec son propre style. Plutôt que de répondre à des courants ou écoles spécifiques, l’architecture moderne en montagne transcrit plutôt à des visions d’architectes… toujours au service du public. C’est d’ailleurs un point qui perdure aujourd’hui : pour évoquer les tendances d’architectures en montagne, Jean-Marc Mouchet ne parle pas de mouvement ou de courant. Il décrit plutôt la démarche des architectes comme une « adaptation en fonction du besoin et de la surface. »

Brutaliste, minimaliste ou organique : à chaque station son propre style

Quelles stations sont emblématiques de l’architecture contemporaine ?  « Par opposition à Megève, on peut citer Avoriaz ou encore Flaine », expose Jean Marc Mouchet. Il précise que ces deux stations représentent des « mouvements très différents dans l’histoire de la montagne. » D’un côté, un « ADN extraordinaire » pour Avoriaz, où les bâtiments s’adaptent à la topographie, dans une station sans voiture. De l’autre, un exemple de brutalisme adapté aux particularités géographiques de la montagne pour Flaine, qui a pris vie sous les croquis de Marcel Breuer, architecte brutaliste. La station joue le contraste : les angles et la rectitude du béton s’opposent ainsi aux anfractuosités de l’environnement montagnard. 

Patrimoine alpin : les trésors laissés par Charlotte Perriand

Parmi les trésors architecturaux du modernisme alpin, citons également le projet des Arcs : Charlotte Perriand, architecte de génie, y conçoit les appartements comme autant de chalets privés. Mobilier aux lignes minimalistes, implantation ouverte sur l’extérieur : les appartements sont designés pour connecter leurs habitants à la beauté des paysages qui les entourent. 

Un luxe issu du mélange des genres

À l’intérieur des habitations, comment se traduit ce mélange des genres ? Là où le style traditionnel tend vers des couleurs neutres, les rénovations contemporaines jouent davantage sur les contrastes, comme pour s’accorder à un environnement sauvage. 

Jean-Marc Mouchet prend l’exemple d’un projet centré sur du chablis (bois mort). La teinte très foncée de ce bois a constitué le point de départ d’une démarche contrastée : « Un chalet complètement noir et blanc. Nous avons fait brosser et blanchir le lambris. Puis nous avons posé du parquet noir, très sablé, avec une lasure noire merveilleuse. » Le résultat est à la fois montagnard et contemporain :  « À la sortie, on obtient quand même un chalet, mais dans une atmosphère très différente. »

Pour jouer sur les contrastes, il est également possible d’introduire des revêtements moins traditionnels au sein des chalets de luxe :  « Des revêtements muraux qui n'ont rien à voir avec le bois. On utilise par exemple des matières végétales qu’on retrouve plutôt dans le Sud » Jean-Marc Mouchet évoque ainsi les revêtements en chanvre tissés à partir d’abaca, mais aussi des papiers peints, à utiliser par touches. Jouer sur le contraste, mais toujours dans l’excellence des matériaux pour offrir le maximum de cachet et de confort : et si c’était cela, finalement, l’esprit montagne ? 

Jean-Marc Mouchet, architecte d’intérieur

 « L'architecte d'intérieur est souvent confondu avec le décorateur. » explique Jean-Marc Mouchet. S’il émerveille ses clients par ses créations de mobilier et ses inspirations de décoration, son travail dépasse le simple goût du détail. Au sein de l’agence qu’il a créée en 1993, il crée des espaces ou réorganise entièrement des volumes.  Villas, appartements, chalets ou hôtels : les ambiances uniques auxquelles il donne vie mettent en valeur l’héritage architectural de la montagne, tout en s’adaptant aux besoins et aux goûts de chacun de ses clients.